Valorisation et sérendipité : le couple improbable

22-01-2019

Si vous pensiez que science et progrès empruntent chacun des chemins tout tracés, détrompez-vous. La plupart du temps, les avancées scientifiques ou autres réussites commerciales se font au détour de découvertes accidentelles, rarement prédéterminées. On parle alors de sérendipité, quand des circonstances fortuites nous conduisent à trouver quelque chose d’inattendu, voire que l’on ne cherchait simplement pas.   

Il était une fois... 

C’est à l’écrivain anglais Walter Horace, en 1754, que revient la paternité du terme. Il s’inspira d’un vieux conte persan, Les trois princes de Serendip, dans lequel le roi de cette île fabuleuse – l’actuel Sri Lanka – envoie ses trois fils parcourir le monde dans le but de parfaire leur éducation. Au gré de leurs errances, ces derniers ne manqueront pas de faire appel à leur intelligence et s’en trouveront, très souvent malgré eux, grandement récompensés. 

La chance ne sourit qu’aux esprits préparés

C’est donc cette propension à faire des trouvailles, de façon inopinée et imprévisible, qu’incarne aujourd’hui la sérendipité. Toutefois, si sa dimension aléatoire est à souligner, il ne saurait être question d’attribuer toute la portée du concept au seul fruit du hasard pur. En effet, la sagacité de celui qui en est le témoin est primordiale pour lui permettre de justement appréhender le plein potentiel de sa découverte, et d’en percevoir les éventuelles applications. Ainsi, la sérendipité questionne en permanence l’individu sur sa faculté à ne pas avancer tête baissée, les yeux rivés sur un unique objectif. C’est à cette seule condition qu’il peut prendre la mesure des trésors qui gisent sur le bord du chemin. 
On a tous un(e) ami(e) qui ne raffole pas du Coca-Cola par exemple, sous prétexte que la boisson aurait un goût de médicament. Beaucoup l’ignorent mais à l’origine, elle en était bel et bien un. En effet, désireux de se délivrer d’une sévère addiction à la morphine, le pharmacien John Styth Pemberton conçut en 1886 un sirop aux vertus qui s’avérèrent en réalité bien plus désaltérantes que thérapeutiques. Le bon sens l’emportant, il décida en fin de compte de commercialiser sa recette à la fontaine à soda de la Jacob’s Pharmacy, à Atlanta... Brillante idée au regard de l’Histoire, n’est-ce pas ? 

Sérendipité ou effet Eureka ?

L’exemple de Coca-Cola est éclairant car il nous place dans un cas de vraie sérendipité, c’est-à-dire un cas où quelque chose qui n’était pas recherché a bien été trouvé. Cependant, il arrive aussi que le hasard fasse du jour au lendemain sauter le verrou qui nous tenait jusqu’alors éloigné du but que l’on souhaitait atteindre. On préfèrera alors parler de pseudo-sérendipité. En ce sens, Gutenberg, dans sa quête de parvenir à reproduire le travail des moines copistes, ne fit que s’inspirer des pressoirs à vin qu’il observe durant un séjour dans la vallée du Rhin. Aussi, le bain d’Archimède ne lui offrit-il finalement que la solution à un problème auquel il se heurtait déjà depuis bien longtemps.

Tant d’autres histoires à découvrir...

Enfin, ce qui fait de la sérendipité un concept aussi élégant, c’est son caractère universel et transverse à toutes les disciplines. Elle n’est exclusive à aucun domaine et transcende toutes les frontières de la science, même au-delà. Ainsi, parmi la myriade de cas qui l’illustrent, nous pourrions citer la découverte de la pénicilline, des rayons X, de la radioactivité – tant d’avancées majeures qui ont un jour ébranlé nos certitudes et permis d’affiner notre compréhension du monde en conséquence –, mais aussi celle des Post-it, du Velcro, du Téflon… D’autres découvertes, certes plus insolites, mais qui ont, chacune à leur manière, rendu notre quotidien un poil plus agréable. 

Et n’oubliez pas que les plus belles histoires sont celles qui n’ont pas encore été écrites. Les valorisateurs, n’ont de cesse de parcourir les laboratoires de recherche, en quête de nouveaux usages pour les technologies. Ils œuvrent, à leur façon, comme agents de la sérendipité. 

D’ailleurs, si vous êtes un lecteur assidu de Getinlabs, il ne vous aura sans doute pas échappé que notre précédent article, sur la seconde vie des innovations issues de la recherche publique, en renfermait également un exemple notable. Sinon, n’hésitez pas, à la lumière de ces nouveaux éléments, à y rejeter un œil. Et peut-être ce court article, au travers des différents exemples volontairement laissés en suspens, vous aura-t-il donné l’envie d’en savoir plus sur les manifestations parfois surprenantes d’un concept tout aussi fascinant. Si tel est le cas, vous aurez vous-même fait, sans vous en rendre compte, un bel acte de sérendipité. En voilà une trouvaille !
 

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